Gazette du Palais n°187 du 6 juillet 2013 – Droit Bancaire
La vérité est sans cesse l’objet de réflexions renouvelées, notamment dans ses rapports avec le droit de la preuve, ainsi que vient de le souligner l’ouvrage Le droit entre autonomie et ouverture (1) récemment publiée en l’honneur de Jean-Louis Bergel.
Les interrogations portent sur le rapport entre l’admissibilité des modes de preuve et la vérité, ou sur la recherche du juste équilibre entre secret bancaire et impératif de vérité, préoccupations manifestées par la Cour de Cassation dans son Rapport annuel rendu en mai 2013, dont l’étude est précisément consacrée à «la preuve » (2).
L’étendue du contrôle de la Cour de Cassation y est spécifiquement analysée en droit bancaire, notamment à travers les thématiques suivantes : le contrôle de l’application des règles relatives à la répartition de la charge de la preuve, l’admissibilité des modes de preuve, ou encore les exigences de loyauté des preuves, cette éthique procédurale rendant irrecevable la preuve obtenue au moyen d’un procédé déloyal ou illégal.
La transparence, idéalement source de loyauté, poursuit son chemin de colloque en colloque, de réglementation en réglementation, aujourd’hui vers une réforme structurelle du système bancaire et financier, cherchant toujours la juste mesure.
Il en est ainsi du chemin emprunté pour renforcer la loi Lagarde afin d’éclairer l’assurance emprunteur, d’accroître la lisibilité et la comparabilité des offres, ou encore de séparer les activités bancaires et de gérer les conflits d’intérêts par l’évitement.
La concurrence pour le leadership de l’éthique est réelle, ainsi qu’en témoigne la prolifération de codes et chartes aux contenus variés et aux portées variables, comme les programmes de conformité et/ou de compliance déployés progressivement par les établissements bancaires, et dont on lit qu’il y a lieu d’en instaurer la culture.
Mais quelle culture ? Celle du petit ou grand frondeur quotidien, « pas vu, pas pris », du compte ouvert « en fraude », du maquillage d’opérations financières, dont l’éventuel scrupule sera dissipé par la confession puisque, « autant la joyeuse intrépidité de celui qui brise les tabous est toujours applaudie, autant il faut un courage certain pour poser et défendre les limites » écrit Chantal Delsol dans son article « Le courage de cerner les limites » en l’honneur de Jerry Sainte-Rose (3).
Celle du whistleblower ou diseur de vérité, dont le discours de vérité est appelé « narcissisme moralisé » (4), cet idéaliste courageux paradoxalement marginalisé parce que perturbateur de l’organisation, un peu comme la vérité elle-même est empreinte de paradoxe.
On voit bien que si l’on souhaite un « sifflet » vertueux et vécu comme nécessaire à la construction d’une spirale positive, il faut l’adapter à la diversité culturelle, afin de comprendre les freins et les dépasser par la restauration d’une culture de l’intérêt général. On se reportera ici utilement au Rapport moral sur l’argent dans le monde (5) et notamment à l’article « Pour un nouveau modèle d’entreprise » d’Olivier Favereau (6).
Toute entreprise responsable, dont les établissements financiers, doit développer en son sein une vision globale partagée permettant à chacun de prendre conscience du sens de son action et de sa responsabilité positive, productrice de valeurs.
Le «sifflet » vertueux doit s’adapter à la diversité culturelle par la restauration d’une culture de l’intérêt général, dont les banques ne sont pas exclues.
Bénédicte Bury
(*) Références
- Le droit entre autonomie et ouverture récemment publiée en l’honneur de Jean-Louis Bergel (éd.Bruylant, juin 2013, p.890 et s.).
- Rapport annuel 2012 de la Cour de Cassation : La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation
- Chantal Delsol : Le courage de cerner les limites (éd. Bruylant, 2012, p. 411).
- C.F.Alford, Whistleblowers : Broken lives and organizational power, Cornell University Press
- Rapport moral sur l’argent dans le monde de l’Association d’Économie Financière
- Pour un nouveau modèle d’entreprise d’Olivier Favereau
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