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Gazette du Palais n°313 du 9 novembre 2013 – Droit Bancaire

Réponse à un supposé conflit entre la patience du long terme et l’urgence ou tyrannie du court terme ?

Abandonner la logique « court termiste » n’est pas seulement un conseil que l’on peut lire à l’attention des investisseurs ; d’une façon générale, tous les acteurs -citoyens, entreprises, États – sont aujourd’hui invités à viser positivement le long terme, comme le fait récent rapport intitulé «Now for the long term »  de l’Oxford Martin Commission for the future generations (1).

La Fédération bancaire française, au mois de juillet 2013, a souscrit au constat fait par la Commission européenne quant à la nécessité de renouer avec une croissance européenne durable soutenue par un financement de long terme accompagnant les réformes structurelles européennes.

Elle a formulé des propositions constructives sur la manière d’augmenter l’offre de financement de long terme et les moyens de canaliser l’épargne disponible vers les besoins en investissements longs de l’économie européenne (2). L’union bancaire doit avoir pour effet de rétablir la confiance à long terme des investisseurs, et le temps nécessaire à ce rétablissement explique l’urgence des mesures.

« Restaurer la priorité au long terme » est en outre le titre de la synthèse du rapport Pour une économie positive (3), remis le 21 septembre 2013 par Jacques Attali. On peut y lire que « l’absence de prise en compte du long terme est la cause principale de la crise actuelle. Il est très inquiétant de voir les nations de plus en plus focalisées sur le court terme ». « L’un des prérequis de l’économie positive, (est de) bâtir un capitalisme patient, à travers une finance positive qui retrouve son rôle de support de l’économie réelle ».

De nombreuses propositions portent sur le financement de cette économie : créer un fonds mondial d’économie positive pour agir comme un investisseur de long terme contrat-cyclique au niveau mondial, « rediriger l’épargne et les investissements vers les activités positives », « favoriser le développement de la micro finance ».

Répondant à une demande croissante de financement non traditionnel des PME, le financement participatif (ou crowdfunding) et la micro finance sont encouragés à se développer, tandis que l’Europe s’empare de la réflexion sur un encadrement réglementaire, dans laquelle la France démontre son avance.

L’appel à une finance altruiste est lancé, soutenu par des références à des économistes illustres et libéraux comme Adam Smith, lequel écrivait, dans sa Théorie des sentiments moraux : « Aussi égoïste que l’homme puisse être supposé, il y a évidemment certains principes dans sa nature qui le conduise à s’intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaires leur bonheur, quoique il n’en retire rien d’autres que le plaisir de les voir heureux ».

Le rapport Attali préconise notamment la mise en place de deux index de mesure du bonheur : « l’indicateur de positivité de l’économie » et le «Ease of doing positive economy » ou « indicateur de volonté d’un pays d’aller vers une économie positive ».

Est également évoquée la création d’une instance chargée de s’assurer de la prise en compte des intérêts des générations futures – un « Conseil du long terme » – nécessaire pour institutionnaliser le long terme au cœur du processus normatif national.

En réalité, une finance altruiste implique de dessiner un horizon temporel intégrant l’urgence du court terme dans l’urgence du long terme.

Bénédicte Bury

(*) Références

  1. Oxford Martin Commission for the future generations : Now for the long term.
  2. Fédération Bancaire Française : Livre vert de la Commission européenne sur le financement à long terme de l’économie européenne
  3. Pour une économie positive – Rapport de Jacques Attali

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