J’ai le plaisir d’être invitée ce mois-ci par la Newsletter de la Revue pratique de la prospective et de l’innovation du CNB Conseil national des barreaux à partager l’intérêt de la pratique du mentoring croisé, que ce soit entre confrères avocats ou en interprofessionnel.

Le retour d’expérience que nous en faisons avec Femmes AAA+ / Association Avocats Administrateurs et notre coach Catherine Thibaux est encourageant et la période que nous traversons, pleine d’incertitudes, renforce les besoins de partages et d’échanges pour le développement de nos activités.

Egalement invité dans cette édition, Manuel Ducasse, président de la commission Formation du CNB, y parle de la formation à distance pendant le confinement… et au delà !

Merci à Florence Creux-Thomas, rédactrice en chef de la revue, pour l’invitation !


Newsletter de la Revue pratique de la prospective et de l’innovation du CNB

Retour d’expérience sur le mentoring croisé de Femmes AAA+, l’association des femmes avocates administratrices et dirigeantes d’entreprise. Une démarche particulièrement bénéfique à l’heure de la crise sanitaire que nous traversons.

Le mentorat, un outil de RSE stratégique

Au lancement de notre programme de mentoring croisé, j’avais souligné son enjeu stratégique pour les entreprises, comme outil à privilégier dans le cadre d’une politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises), portée par les dirigeants et conseils d’administration.

Pour les entreprises de toutes tailles qui ont recours au mentorat, cela peut avoir plusieurs impacts recherchés : l’optimisation des talents, le développement de l’agilité, la prévention des risques psychosociaux… autant de facteurs d’inclusion réussie.

Or un environnement de travail inclusif permet à toutes et à tous de s’épanouir dans son travail et l’expression par chacun(e) de tout son potentiel est profitable à l’ensemble. C’est le sens de l’expression « la diversité paie ! » objet de l’une de nos dernières conférences Femmes AAA+. Cela est aujourd’hui si bien établi qu’il y a lieu de mettre en œuvre tout ce qui peut y contribuer et la promotion du mentorat en fait partie.

La mission première de Femmes AAA+ est de créer les conditions favorables à l’accès des avocates et juristes aux Conseils d’administration et aux fonctions de direction. Notre programme de mentoring croisé permet de progresser plus vite et avec plus d’aisance.

Nous pensons que la pratique du mentorat ne doit pas être réservée aux cadres à haut potentiel de grands groupes et qu’elle peut servir tous les entrepreneurs, dont font partie les professionnels libéraux, en particulier les avocat(e)s. Le mentoring croisé, entre confrères, juristes d’entreprises et entrepreneurs d’autres secteurs, est particulièrement fructueux pour nos professions, dans un esprit interprofessionnel.

Le mentorat, une relation de solidarité intergénérationnelle

« Le mentoring, c’est une relation d’aide, sur la base du volontariat, entre deux personnes qui n’ont pas de lien hiérarchique ni fonctionnel, et dont l’une est plus expérimentée », explique Catherine Thibaux, auteure de l’ouvrage « Les Clefs d’un mentoring réussi » que j’ai choisie pour nous accompagner.

C’est un espace d’entraide, d’écoute bienveillante, un temps pour le recul nécessaire, un espace réflexif, sécurisé parce que confidentiel. Avocats, nous mesurons bien l’importance de la confidentialité. C’est également une respiration. Elle est d’autant plus appréciable dans la situation de crise que nous traversons.

Dans le cadre de notre parcours, nous avons récemment fait l’expérience d’une réunion en visio pour échanger avec le groupe des mentors et mentorées, dont les retours extrêmement positifs ont été partagés largement, sur Linkedin notamment, pour montrer les bénéfices de la démarche.

Nous avons ainsi vécu l’accompagnement à distance et encouragé le maintien des relations pour traverser la crise. Les relations établies généralement en « présentiel », se poursuivront à distance.

La distance c’est aussi un rapprochement. La qualité de l’écoute y est même plus développée puisque ce sens est alors complètement mobilisé, concentré sur le contenu mais aussi la voix, le débit, les silences, tous ces signes non verbaux si importants à l’oreille, si près de l’épaule. Le sentiment d’appartenance à la relation et de confiance peuvent s’y épanouir.

L’échange et la transmission sont au cœur du mentorat dans une démarche collaborative essentielle dans les périodes de transition : c’est justement le moment où nous devons tous nous réinventer pour garder un cap motivant devant la nouvelle crise que nous traversons !

Le mentorat croisé, une énergie créative et entrepreneuriale

Pour faire face aux « révolutions » numérique, climatique et démographique, avec la nécessité de s’adapter très rapidement, le mentorat apparait comme un outil efficace de coopération et d’entraide, prisé par les grands groupes et utile aux petites entreprises ou entrepreneurs individuels pour inventer les solutions de demain, par préférence à la compétition.

En effet, ni parental, ni amical, ni hiérarchique, le regard extérieur du mentor accélère le développement de l’entrepreneuriat : ces échanges, partages et transmission de pratiques, stimulent l’esprit d’entreprendre et favorisent la créativité, l’envie et l’audace d’avancer.

Au Québec, les avocats sont ainsi encouragés à entreprendre une relation de mentorat.

Le mentorat a aussi la vertu d’être pragmatique : il renforce notre capacité à apprendre dans l’action, une compétence essentielle du futur, selon le World Economic Forum.

Enfin le mentorat croisé mutualise les réseaux et compétences du mentor et du mentoré, ce qui élargit leurs horizons respectifs. Le mentor pourra faire une mise en relation déterminante pour son mentoré lui faisant gagner un temps précieux. De son côté, par ses questionnements, le mentoré pourra faire découvrir de nouvelles façons de faire à son mentor qui sera poussé à innover dans ses pratiques.

La crise actuelle appelle à se saisir des outils qui fonctionnent, ceux qui fédèrent, développent la solidarité, favorisent les réussites collectives qui peuvent à leur tour être partagées dans le cadre des programmes de mentorat.

Bénédicte Bury, avocate au barreau de Paris, ancien membre du CNB, vice-présidente de Femmes AAA+