Connaissance et liberté : quelle adaptation ?

Gazette du Palais, 13 Juin 2017 – Droit Bancaire

En quelques mois, la mobilité bancaire a progressé : « Vous pourrez bientôt batifoler plus facilement », « Sapin 2 pourrait vous amener à faire des infidélités à votre banquier », lit-on ces derniers jours.

Depuis le 6 février dernier, par application de la loi Macron (*), la nouvelle banque choisie par le client doit effectuer, s’il en manifeste le souhait, toutes les formalités nécessaires dans le cadre du « service d’aide à la mobilité bancaire ». Ce nouveau service opérationnel et fourni gratuitement améliore le dispositif en place depuis 2009.

Concrètement, suite à la signature d’un mandat confié au nouveau banquier, celui-ci contacte les organismes à prévenir pour effectuer les changements de domiciliation bancaire.

Par ailleurs, la loi du 21 février 2017, après  les lois Lagarde en 2010, Hamon en 2014 et Sapin 2 en 2016, visent également à accroître « le libre choix de l’emprunteur » relativement à l’assurance du prêt souscrit, par l’instauration d’un droit de résiliation annuelle pendant toute la durée du prêt. Cette disposition, effective depuis le 1er mars 2017 pour tout nouveau contrat souscrit, sera élargie à tous les contrats à partir du 1er janvier 2018.

L’effectivité du droit de changer d’établissement bancaire, vient d’être encore facilitée par l’ordonnance n° 2017- 1090 du 1er juin dernier (*).

Désormais les établissements de crédit qui conditionnent l’octroi d’un crédit immobilier à domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l’emprunteur devront l’en informer clairement. Ils devront notamment préciser la nature de cette obligation, ainsi que celle de l’avantage individualisé obligatoirement consenti en contrepartie.

Par ailleurs, cette contrainte de domiciliation sera limitée dans le temps, à défaut pour les consommateurs d’avoir obtenu la suppression de ce que certains avaient présenté comme une clause d’aliénation. A l’issue de ce délai, les emprunteurs pourront domicilier leurs revenus dans un autre établissement, tout en conservant l’avantage individualisé jusqu’au remboursement intégral du prêt.

Dans le même temps, et paradoxalement dans un contexte de volatilité autorisée, il est exigé du banquier- comme illustré par plusieurs décisions commentées dans ce numéro- qu’il connaisse son client pour être à même de lui offrir un service adapté à ses besoins, de surcroît évolutifs.

Dans cette période de transition accélérée par le choc numérique et de développement de la vente à distance qui n’a pas encore suscité l’engouement des Français, les aménagements progressifs s’accompagnent d’obligations d’informations réciproques pour accroître la connaissance de l’autre « en temps réel », faciliter l’adaptation, et permettre la liberté réciproque du choix. Le client est de plus en plus exigeant, informé des produits et services qui lui sont proposés et à la recherche d’un lien personnalisé et durable.

Dans cette relation bancaire, les outils digitaux ont vocation à générer un « conseiller augmenté» afin de proposer le bon produit, au bon moment et à la bonne personne, dans un contexte à sécuriser pour protéger les données personnelles et la fiabilité des transactions.

C’est la volatilité de la confiance qu’il faut éviter, notamment en démontrant une capacité d’adaptation et d’innovation «disruptive» répondant aux évolutions des besoins du client, en quête d’individualisation, comme le montre déjà le développement d’offres bancaires innovantes, d’espaces d’incubation pour les startups, de relations collaboratives de proximité, physique et digitale.

Est-ce si paradoxal que les banques développent ainsi des offres dites « de rupture » pour plus de fidélité librement consentie ?

Bénédicte Bury

(*) Références

Décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016 relatif au service d’aide à la mobilité bancaire mentionné à l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier et aux plans d’épargne-logement inactifs mentionnés à l’article L. 312-20 du même code

Ordonnance n° 2017-1090 du 1er juin 2017 relative aux offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l’emprunteur sur un compte de paiement