Gazette du Palais Droit bancaire L'alerte

Gazette du Palais, 27 février 2018 – Droit Bancaire

L’alerte serait en droit d’un genre nouveau en ce qu’elle participe à l’effectivité d’autres droits fondamentaux dans l’interdépendance et l’interconnexion d’un ensemble de droits.

Ce mécanisme de régulation ou plus exactement de compliance, au service « des opérateurs cruciaux » pour mettre en œuvre des « buts monumentaux, produisant une inversion du temps » – comme l’indique le Professeur Marie-Anne Frison-Roche : « Du droit de la régulation au droit de la compliance », Working Paper (*) – a fondamentalement modifié le droit en ce que l’entreprise « d’assujettie est devenu agent de légalité » en raison de sa position et de son importance.

Depuis le 1er janvier 2018, est entré en vigueur le décret du 19 avril 2017 (*) précisant les mesures contenues dans la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, qui a créé un régime général de protection des lanceurs d’alerte.

Le 14 décembre 2017, l’association Transparency France a en outre publié un guide (*) pour accompagner les lanceurs d’alerte « désireux de faire un signalement dans l’intérêt général ». Dans un souci de proportionnalité, « le signalement ou la révélation doit toujours être limité(e) aux faits strictement nécessaires au traitement d’une alerte », tandis que sont exceptées les confidentialités protégées.

Naturellement, ce premier numéro de l’année 2018 de la Gazette spécialisée Droit bancaire offre des illustrations  jurisprudentielles de ce traditionnel devoir de mise en garde dont il est régulièrement signalé qu’il doit s’accompagner d’un devoir d’alerter sur les risques encourus.

Par ailleurs, la jurisprudence refuse de retenir la responsabilité du banquier en cas d’emploi par le représentant légal des capitaux échus au mineur, seule l’anormalité des opérations étant susceptible de générer l’exercice de son devoir de vigilance (Cass.1ère civ. 11 oct 2017, n°15 24 946).

Cette décision, commentée dans le présent numéro, s’inscrit également dans le récent dispositif légal d’organisation de la protection du mineur qui fait peser sur les tiers « ayant connaissance d’actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d’une situation de nature à  porter un préjudice grave à ceux-ci » un devoir d’alerte du juge des tutelles. Ainsi les tiers, à raison de leur position et de leur compétence, sont requis pour participer à l’encadrement protecteur organisé par le juge des tutelles.

Enfin, l’alerte responsable mérite d’être soulignée, telle l’alerte au phishing pratiquée encore récemment par de nombreuses banques pour alerter leurs clients sur les procédés précisément constatés, mais aussi la publication de guides et conseils pratiques, ce qui contribue par ailleurs au partage de l’information et à une limitation du risque de responsabilité.

Marie-Anne Frison-Roche, souligne encore à juste titre que « le droit de la compliance, en ce qu’il consiste à punir par avance des opérateurs qui n’ont pourtant encore rien fait (…), inverse le temps » et doit donc être limité et proportionné pour être supporté par les opérateurs, dont la pérennité assure le système de gestion des risques et une certaine vision du droit : servir le bien commun.

L’alerte institutionnelle et l’alerte individuelle, entre droit et devoir, interpellent plus  profondément chacun dans son éthique de la responsabilité.

Le rapport à l’autre n’est-il pas un rapport de sollicitude dans un espace sans réciprocité nécessaire mais que la solidarité bienveillante irrigue ?

Bénédicte Bury

(*) Références