L'activité professionnelle et le but lucratif

Analyse de Jurisprudence Bancassurance

Mots clés

Crédits aux particuliers ; Crédits immobiliers ; Prêt immobilier ; Définition du consommateur ; Prescription biennale

L’essentiel

La qualification de prêt professionnel résulte de la multiplicité des emprunts qui n’avaient pour but que de financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire ou parallèle à l’activité salariée exercée par les emprunteurs.

, avocate associée au Barreau de Paris, Avocap 2.2, ancien membre du Conseil national des barreaux

Analyse

L’analyse complète de cette jurisprudence est parue dans la Gazette du Droit bancaire N°8 du 25 février 2020 : L’activité professionnelle et le but lucratif


La décision (texte intégral)

Cass. 1re civ., 8 janv. 2020, n° 17-31288, ECLI:FR:CCASS:2020:C10001, M. XYB, Mme ZA, Crédit immobilier de France développement, D (rejet pourvoi c/ CA Nîmes, 29 juin 2017), Mme Batut, prés ; SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Gaschignard, av.

Références

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 8 janvier 2020
N° de pourvoi: 17-31288
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Gaschignard, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 29 juin 2017), que, par actes notariés des 28 avril, 20 juillet et 8 août 2006, la société Crédit immobilier de France financière Rhône-Ain, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme E… (les emprunteurs) trois prêts s’élevant respectivement à 148 169 euros, 163 364 euros et 193 752 euros, ayant pour objet de financer l’acquisition d’appartements destinés à la location ; qu’après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a, le 1er juillet 2010, assigné les emprunteurs en paiement des sommes restant dues au titre des prêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les emprunteurs font grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu’est un consommateur au sens de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 et de la directive 2014/17/UE du 4 février 2014, reprenant les termes des directives antérieures, notamment de la directive 93/13/CE du 5 avril 1993, une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que, transposant cette directive, l’article 3 de la loi n° 2014.344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré un article préliminaire dans le code de la consommation, d’application immédiate, aux termes duquel est considérée comme consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que, dans une décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l’activité de location de biens immeubles ne constituait pas une activité commerciale au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce, que les personnes physiques exerçant cette activité ne pouvaient donc avoir la qualité de commerçant conférée exclusivement à « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » aux termes de l’article L. 121-1 du code de commerce, ni être inscrites au registre du commerce et des sociétés en application de l’article L. 123-1 du même code ; que dès lors n’agit pas dans le cadre d’une activité commerciale pas davantage qu’industrielle, artisanale ou libérale, la personne physique qui acquiert des immeubles à des fins d’investissements locatifs accompagnés d’avantages fiscaux ; qu’en se fondant exclusivement sur le nombre des acquisitions immobilières réalisées par les emprunteurs et l’importance des revenus escomptés de leur location pour leur refuser la qualité de consommateur et retenir que les prêts accordés par la banque auraient été destinés à financer une activité professionnelle fût-elle « accessoire ou parallèle » à l’activité salariée des emprunteurs, la cour d’appel a violé des dispositions précitées de l’article liminaire du code de la consommation et des directives 2011/83/UE, 2014/17/UE et 93/13/CE ainsi que des règlements de Bruxelles n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 portant refonte du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, entrée en vigueur le 10 janvier 2015, et de Rome n° 598/2008 du 17 juin 2008 ;

2°/ que la définition du consommateur selon les directives européennes, à la lumière desquelles doit être interprété le droit interne, repose sur deux critères, un critère finaliste correspondant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de l’activité professionnelle de la personne concernée mais aussi une finalité personnelle du contrat permettant de savoir si on est en présence d’un consommateur nécessitant d’être protégé ou d’un professionnel avisé ; qu’en s’abstenant de rechercher si, dans les faits, les emprunteurs pouvaient sérieusement être considérés comme des professionnels avisés de l’immobilier et non comme de simples consommateurs, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions précitées de l’article liminaire du code de la consommation et des directives 2011/83/UE, 2014/17/UE et 93/13/CE ainsi que des règlements de Bruxelles n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 portant refonte du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, entrée en vigueur le 10 janvier 2015, et de Rome n° 598/2008 du 17 juin 2008 ;

3°/ que, si dans ses conclusions d’appel, la banque a contesté la prescription biennale soulevée par les emprunteurs en soutenant que l’importance et le nombre des emprunts contractés leur avait fait perdre la qualité de consommateur, l’établissement bancaire n’a jamais contesté que les prêts souscrits par eux étaient soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier et a au contraire clairement soutenu et uniquement plaidé avoir respecté les obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation pour conclure au rejet des demandes fondées sur la violation de ces dispositions ; qu’en relevant que les irrégularités alléguées des offres de crédit fondées sur le non-respect des dispositions énoncées aux articles L. 312-2, L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation ne pouvaient être invoquées par les emprunteurs au seul et unique motif qu’ils ne pouvaient pas se prévaloir de la qualité de consommateur, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

4°/ qu’en relevant d’office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que les emprunteurs ne pouvaient invoquer la violation des dispositions énoncées par les articles L. 312-2, L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation faute pour eux de pouvoir se prévaloir de la qualité de consommateur, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir relevé qu’en sus des concours financiers litigieux, les emprunteurs avaient souscrit quatorze prêts auprès d’autres établissements de crédit, portant ainsi à 3 358 470 euros le montant total de leurs emprunts destinés à l’acquisition de dix-sept biens immobiliers en vue de leur location, que Mme E… avait renoncé, dans les contrats d’assurance collectifs afférents à ces prêts, à la garantie incapacité temporaire totale en mentionnant sa qualité d’investisseur locatif, la cour d’appel a constaté que la mise en location de ces biens générait un gain annuel de 101 256 euros correspondant à près du triple des revenus du foyer fiscal des emprunteurs, ce dont elle a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que les prêts litigieux étaient destinés à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire ou parallèle à l’activité salariée exercée par les emprunteurs ; que le moyen, inopérant en ses deux dernières branches qui s’attaquent à des motifs surabondants, ne peut être accueilli en ses deux premières ;

Et attendu qu’en l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne, en particulier des directives n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 et n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les emprunteurs font grief à l’arrêt de se dessaisir de leurs demandes de dommages-intérêts en raison d’une litispendance, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il y a litispendance lorsqu’un litige identique est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître ; deux litiges sont identiques lorsque les parties, l’objet, le fait générateur et le fondement sont rigoureusement les mêmes ; qu’en l’espèce, les emprunteurs ont assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille, outre la banque, six établissements bancaires et plusieurs notaires afin d’obtenir leur condamnation solidaire à réparer leur entier préjudice, consécutif à l’escroquerie en bande organisée orchestrée par la société Apollonia, qu’ils ont évalué à la somme globale de 2 921 868,90 euros (correspondant à 87 % de la somme globale de 3 358 470 euros empruntée par eux) ; qu’en revanche, le litige porté devant le tribunal de grande instance de Carpentras a été introduit par la banque pour obtenir le remboursement des trois prêts souscrits par les emprunteurs lesquels ont sollicité à titre principal, le rejet de cette demande ; ce n’est qu’à titre subsidiaire que dans la présente instance, les emprunteurs ont engagé la responsabilité de la banque en invoquant les manquements à ses obligations de mise en garde, d’information, de vigilance et de loyauté et ont sollicité la réparation de leur préjudice résultant de l’octroi de ces trois prêts en violation de ces obligations, à savoir le préjudice économique correspondant aux sommes réclamées par la banque au titre du remboursement, la perte de chance évaluée à la somme de 25 000 euros par an à compter de 2009 et le préjudice moral évalué à la somme de 15 000 euros par an à compter de 2009 ; qu’il résulte ainsi des pièces de la procédure que ces deux litiges ne concernent pas les mêmes parties et n’ont absolument pas le même objet ; qu’en jugeant néanmoins que les conditions de la litispendance étaient réunies, la cour d’appel a violé l’article 100 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans le dispositif de l’assignation délivrée le 8 décembre 2009 devant le tribunal de grande instance de Marseille, les emprunteurs ont uniquement sollicité la réparation de leur préjudice financier et la condamnation solidaire des établissements bancaires et des notaires à leur payer à ce titre la « somme correspondant à 87 % de la somme globale de 3 358 470 euros, soit 2 921 868,90 euros de l’investissement HT global réalisé pour le compte de ces derniers par l’entremise de la société Apollonia auprès des banques requises » ; qu’à supposer les motifs du jugement adoptés, en relevant que les emprunteurs avaient saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir la condamnation de la banque à les indemniser des préjudices économiques, financiers et moraux, la cour d’appel a dénaturé l’assignation susvisée en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que, dans le dispositif de l’assignation délivrée le 8 décembre 2009 devant le tribunal de grande instance de Marseille, les emprunteurs ont sollicité, à titre principal, la condamnation solidaire des banques et des notaires à réparer leur préjudice évalué à la somme de 2 921 868,90 euros ; qu’en relevant que les emprunteurs avaient exercé à l’encontre de la banque et de six autres établissements bancaires ainsi que de deux notaires, une action tendant à leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 3 358 370 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d’appel a dénaturé l’assignation susvisée en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que les emprunteurs et la banque étaient parties dans deux autres instances en cours contre la banque, dont l’une avait été engagée avant la présente procédure, peu important que, dans l’une d’entre elles, la responsabilité de celle-ci fût solidairement recherchée avec celle d’autres parties, d’autre part, que ces instances procédaient des mêmes faits litigieux et tendaient à obtenir l’indemnisation des mêmes préjudices en réparation des mêmes manquements au titre des trois prêts en cause, la cour d’appel, qui n’a pas dénaturé l’assignation délivrée le 8 décembre 2009, en a exactement déduit que les conditions de la litispendance étaient réunies ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui invoque une erreur de montant sans incidence sur l’identité d’objet des demandes, ne peut être accueilli en ses deux premières ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que les emprunteurs font grief à l’arrêt d’accueillir la demande en paiement de la banque ;

Attendu qu’ayant retenu que les emprunteurs ne caractérisaient aucune manoeuvre constitutive d’un vice du consentement susceptible de conduire à l’annulation des prêts, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme E… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer et D’AVOIR condamné solidairement les époux E… à payer au Crédit Immobilier de France les sommes de 195 545,04 € avec intérêts au taux contractuel de 4,40 %, de 149 645,53€ avec intérêts au taux contractuel de 4,40 %, de 157 625,64€ avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 23 mars 2010 et avec capitalisation des intérêts par année entière ;

AUX MOTIFS QUE s’agissant des irrégularités des offres de prêts invoquées par les appelants sur le fondement du code de la consommation, notamment en ses articles L312-7 et L 312-10, à supposer que la juridiction pénale soit saisie de telles irrégularités, encore convient-il de déterminer si les emprunteurs peuvent valablement revendiquer la qualité de consommateur ; qu’à cet égard, les époux E… se sont portés acquéreurs de trois biens immobiliers en l’état futur d’achèvement destinés à la location, financés à l’aide de trois prêts consentis par le CIFD ; des explications fournies de part et d’autre et des pièces produites, plus particulièrement l’état récapitulatif d’endettement établi par les époux E… (pièce 2), il résulte que ceux-ci ont souscrit quatorze autres prêts consentis par d’autres banques, portant ainsi à 3 358 470 € le montant total de leurs emprunts destinés à l’acquisition de 17 biens immobiliers entre le 21 décembre 2005 et le 2 décembre 2008 ; qu’ils percevaient pour chacun des lots des loyers leur procurant un gain annuel qu’ils évaluent à 101 256 € ; du reste les prêts immobiliers concernés sont assortis d’une promesse de délégation de loyers consenties au prêteur ; par ailleurs, le bulletin d’adhésion aux contrats d’assurance collectifs afférents aux prêts immobiliers contenant les informations nécessaires au traitement par l’assureur de la demande d’adhésion, porte mention de la renonciation de Mme T… I… épouse E… à la garantie ITT en sa qualité « d’investisseur locatif’ ; de l’ensemble de ces éléments qui établissent que les époux E… ont acquis à crédit un grand nombre de biens immobiliers destinés à la location et perçoivent des loyers correspondant à presque trois fois le montant des revenus nets de leur foyer fiscal (fixés à 36 995,75€ dans l’état de leur endettement), il se déduit que les prêts litigieux étaient destinés à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire ou parallèle, à l’activité salariée exercée par les emprunteurs ; par suite les époux E… ne peuvent se prévaloir de la qualité de consommateur, ni par voie de conséquence des dispositions prévues par le code de la consommation au bénéfice des consommateurs ; dans ces conditions les manquements au code de la consommation éventuellement instruits et poursuivis dans le cadre de la procédure pénale sont sans incidence sur l’issue de la présente procédure ; il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille (
) ; en considération des développements qui précèdent et auxquels il est renvoyé, la cour juge que les prêts litigieux étaient destinés à financer une activité professionnelle des époux E… ; ce constat prive les époux E… de la qualité de consommateur et par suite de la possibilité de se prévaloir de la prescription biennale prévue par le code de la consommation au profit du consommateur ; le délai de prescription applicable est donc le délai de droit commun de cinq ans (
) ; par ailleurs les époux E… ne pouvant se prévaloir de la qualité de consommateur, les irrégularités alléguées des offres de crédit fondées sur un non-respect des dispositions énoncées par le code de la consommation, notamment les dispositions énoncées par les articles L312-2, L312-7, L312-10 ne peuvent davantage caractériser des manoeuvres illicites susceptibles d’avoir déterminé les emprunteurs à souscrire les prêts ;

1°)ALORS QU’ est un consommateur au sens de la directive n° 2011.83 UE du 25 octobre 2011 et de la directive 2014.17 UE du 4 février 2014, reprenant les termes des directives antérieures, notamment de la directive 9313.CE du 5 avril 1993, une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que transposant cette directive, l’article 3 de la loi n° 2014.344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré un article préliminaire dans le code de la consommation, d’application immédiate, aux termes duquel est considérée comme consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; que dans une décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que l’activité de location de biens immeubles ne constituait pas une activité commerciale au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce, que les personnes physiques exerçant cette activité ne pouvaient donc avoir la qualité de commerçant conférée exclusivement à « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » aux termes de l’article L. 121-1 du code de commerce, ni être inscrites au registre du commerce et des sociétés en application de l’article L. 123-1 du même code ; que dès lors n’agit pas dans le cadre d’une activité commerciale pas davantage qu’industrielle, artisanale ou libérale, la personne physique qui acquiert des immeubles à des fins d’investissements locatifs accompagnés d’avantages fiscaux ; qu’en se fondant exclusivement sur le nombre des acquisitions immobilières réalisées par les époux E… et l’importance des revenus escomptés de leur location pour leur refuser la qualité de consommateur et retenir que les prêts accordés par le CIFD auraient été destinés à financer une activité professionnelle fût-elle « accessoire ou parallèle » à l’activité salariée des époux E…, la cour d’appel a violé des dispositions précitées de l’article liminaire du code de la consommation et des directives 2011-83 UE, 2014-17 UE et 9313 CE ainsi que des règlements de Bruxelles n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 portant refonte du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, entrée en vigueur le 10 janvier 2015, et de Rome n° 598/2008 du 17 juin 2008 ;

2°) ALORS QUE la définition du consommateur selon les directives européennes, à la lumière desquelles doit être interprété le droit interne, repose sur deux critères, un critère finaliste correspondant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de l’activité professionnelle de la personne concernée mais aussi une finalité personnelle du contrat permettant de savoir si on est en présence d’un consommateur nécessitant d’être protégé ou d’un professionnel avisé ; qu’en s’abstenant de rechercher si, dans les faits, les époux E… pouvaient sérieusement être considérés comme des professionnels avisés de l’immobilier et non comme de simples consommateurs, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions précitées de l’article liminaire du code de la consommation et des directives 2011-83 UE, 2014-17 UE et 9313 CE ainsi que des règlements de Bruxelles n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 portant refonte du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, entrée en vigueur le 10 janvier 2015, et de Rome n° 598/2008 du 17 juin 2008 ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QUE si dans ses conclusions d’appel, le CIFD a contesté la prescription biennale soulevée par les époux E… en soutenant que l’importance et le nombre des emprunts contractés leur avait fait perdre la qualité de consommateur, l’établissement bancaire n’a jamais contesté que les prêts souscrits par eux étaient soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier et a au contraire clairement soutenu et uniquement plaidé avoir respecté les obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation pour conclure au rejet des demandes fondées sur la violation de ces dispositions ; qu’en relevant que les irrégularités alléguées des offres de crédit fondées sur le non-respect des dispositions énoncées aux articles L. 312-2, L. 312-7et L. 312-10 du code de la consommation ne pouvaient être invoquées par les époux E… au seul et unique motif qu’ils ne pouvaient pas se prévaloir de la qualité de consommateur, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU’en relevant d’office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que les époux E… ne pouvaient invoquer la violation des dispositions énoncées par les articles L. 312-2, L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation faute pour eux de pouvoir se prévaloir de la qualité de consommateur, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Carpentras en ce qu’il s’est dessaisi des demandes reconventionnelles formées par les époux E…, en raison d’une litispendance, au profit du tribunal de grande instance de Marseille déjà saisi de réclamations identiques dans le cadre de l’instance n° 10/02787, D’AVOIR dit que la copie de l’arrêt et des conclusions des parties serait transmise au tribunal de grande instance de Marseille après expiration du délai de pourvoi et D’AVOIR condamné solidairement les époux E… à payer au Crédit Immobilier de France les sommes de 195 545,04 € avec intérêts au taux contractuel de 4,40 %, de 149 645,53€ avec intérêts au taux contractuel de 4,40 %, de 157 625,64€ avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 23 mars 2010 et avec capitalisation des intérêts par année entière ;

AUX MOTIFS QUE La litispendance est caractérisée lorsque deux juridictions sont saisies d’un même litige, impliquant une identité de parties, d’objet et de cause ; il résulte de l’assignation délivrée le 8 décembre 2009 par les époux E… devant le tribunal de grande instance de Marseille (affaire enregistrée sous le numéro 10/02787) , qu’ils ont exercé à l’encontre du CIFD et de 6 autres établissements bancaires ainsi que deux notaires, une action tendant à la condamnation solidaire des défendeurs au paiement de la somme de 3 358 370 € à titre de dommages et intérêts, subsidiairement au paiement d’une provision de 150 000 € à valoir sur leur préjudice financier et moral ; ils fondent leurs demandes sur les manquements des banques à leurs obligations de mandant à raison des agissements de leur mandataire Apollonia, ainsi que sur les manquements à leur obligation de mise en garde en accordant des prêts au montant excessif au regard de leurs capacités financières d’emprunteurs non avertis ; postérieurement à cette action exercée devant le tribunal de grande instance de Marseille les époux E… ont soumis au tribunal de grande instance de Nîmes [Carpentras], saisi par acte d’huissier délivré par le CIFD le 10 juillet 2010, une demande reconventionnelle tendant à voir engager la responsabilité contractuelle du CIFD pour manquement à ses obligations en qualité de mandant du fait des agissements frauduleux d’Apollonia ainsi qu’à son obligation de mise en garde en accordant aux époux E… des prêts aux montants disproportionnés au regard de leurs capacités contributives, évaluant à 100 % le préjudice de perte de chance de ne pas contracter ; ces deux instances qui ont pour cause une même action en responsabilité de la banque CIFD fondée sur le non-respect des obligations résultant du mandat ainsi que sur le manquement au devoir de mise en garde, ont pour même objet les trois emprunts souscrits par les époux E… auprès du CIFD les 28 avril 2006, 20 juillet 2006 et 8 août 2006 ; elles présentent également une identité des parties, peu important la mise en cause dans la première instance d’autres banques et de notaires dont la condamnation est recherchée solidairement avec le CIFD ; les conditions de la litispendance étant réunies, les premiers juges seront confirmés en ce qu’ils se sont dessaisis au profit du tribunal de grande instance de Marseille, préalablement saisi de l’action en responsabilité des époux E… contre le CIFD ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les époux E… sollicitent ici la condamnation de l’organisme de crédit à les indemniser des préjudices financiers, économiques, moraux et liés à des pertes de chance qu’ils subiraient en raison des prêts en cause et plus généralement de leur état de surendettement, lui-même lié à des manoeuvres frauduleuses auxquelles aurait participé le CIFD, aux manquements de celui-ci à ses devoirs de contrôle et de mise en garde ; qu’il est acquis qu’antérieurement, les époux E… ont saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir la condamnation du CIFD à les indemniser des préjudices économiques, financiers et moraux résultant de leur surendettement liés notamment aux prêts précités et résultant de manoeuvres assimilables à une escroquerie à laquelle aurait participé leur contradicteur qui aurait par ailleurs failli à ses obligations de contrôle et de mise en garde ; que les deux instances ont donc la même nature, la même cause et les mêmes parties ;que le fait que devant la juridiction marseillaise les époux E… sollicitent une condamnation in solidum avec d’autres protagonistes ne modifie aucunement la nature de leurs réclamations ; qu’il y a donc bien litispendance ;

1°) ALORS QU’ il y a litispendance lorsqu’un litige identique est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître ; deux litiges sont identiques lorsque les parties, l’objet, le fait générateur et le fondement sont rigoureusement les mêmes ; en l’espèce, les époux E… ont assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille, outre le CIFD, six établissements bancaires et plusieurs notaires afin d’obtenir leur condamnation solidaire à réparer leur entier préjudice, consécutif à l’escroquerie en bande organisée orchestrée par la société Apollonia, qu’ils ont évalué à la somme globale de 2 921 868,90 € (correspondant à 87 % de la somme globale de 3 358 470 € empruntée par eux) ; qu’en revanche, le litige porté devant le tribunal de grande instance de Carpentras a été introduit par le CIFD pour obtenir le remboursement des trois prêts souscrits par les époux E… lesquels ont sollicité à titre principal, le rejet de cette demande ; ce n’est qu’à titre subsidiaire que dans la présente instance, les époux E… ont engagé la responsabilité du CIFD en invoquant les manquements à ses obligations de mise en garde, d’information, de vigilance et de loyauté et ont sollicité la réparation de leur préjudice résultant de l’octroi de ces trois prêts en violation de ces obligations, à savoir le préjudice économique correspondant aux sommes réclamées par le CIFD au titre du remboursement, la perte de chance évaluée à la somme de 25 000 € par an à compter de 2009 et le préjudice moral évalué à la somme de 15 000 € par an à compter de 2009; qu’il résulte ainsi des pièces de la procédure que ces deux litiges ne concernent pas les mêmes parties et n’ont absolument pas le même objet ; en jugeant néanmoins que les conditions de la litispendance étaient réunies, la cour d’appel a violé l’article 100 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE dans le dispositif de l’assignation délivrée le 8 décembre 2009 devant le tribunal de grande instance de Marseille, les époux E… ont uniquement sollicité la réparation de leur préjudice financier et la condamnation solidaire des établissements bancaires et des notaires à leur payer à ce titre la « somme correspondant à 87 % de la somme globale de 3 358 470 €, soit 2 921 868,90 € de l’investissement HT global réalisé pour le compte de ces derniers par l’entremise de la société Apollonia auprès des banques requises » ; qu’à supposer les motifs du jugement adoptés, en relevant que les époux E… avaient saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir la condamnation du CIFD à les indemniser des préjudices économiques, financiers et moraux, la cour d’appel a dénaturé l’assignation susvisée en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°) ALORS QUE dans le dispositif de l’assignation délivrée le 8 décembre 2009 devant le tribunal de grande instance de Marseille, les époux E… ont sollicité, à titre principal, la condamnation solidaire des banques et des notaires à réparer leur préjudice évalué à la somme de 2 921 868,90 € ; qu’en relevant que les époux E… avaient exercé à l’encontre du CIFD et de six autres établissements bancaires ainsi que de deux notaires, une action tendant à leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 3 358 370 € à titre de dommages et intérêts, la cour d’appel a dénaturé l’assignation susvisée en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné solidairement les époux E… à payer au Crédit Immobilier de France les sommes de 195 545,04 € avec intérêts au taux contractuel de 4,40%, de 149 645,53€ avec intérêts au taux contractuel de 4,40 %, de 157 625,64€ avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 23 mars 2010 et avec capitalisation des intérêts par année entière ;

AUX MOTIFS QUE l’action en paiement exercée par le CIFD étant fondée sur les offres préalables de crédit sous seing privé, le moyen tiré de manoeuvres frauduleuses imputées à la banque tenant aux irrégularités présentées par les actes de prêts notariés doit être considéré comme inopérant ; par ailleurs les époux E… ne pouvant se prévaloir de la qualité de consommateur, les irrégularités alléguées des offres de crédit fondées sur un non-respect des dispositions énoncées par le code de la consommation, notamment les dispositions énoncées par les articles L312- 2, L312-7, L312-10 ne peuvent davantage caractériser des manoeuvres illicites susceptibles d’avoir déterminé les emprunteurs à souscrire les prêts ;
en considération des actes d’acceptation des offres de prêts signées par les époux E… les 12 décembre 2005, 21 février 2006 et 12 décembre 2005, de l’adhésion des emprunteurs aux contrats d’assurance collectifs, de l’autorisation de prélèvement signée par ceux-ci au profit de la banque et des remboursements des prêts effectués par les époux E… pendant plusieurs années, les appelants ne justifient ni d’une absence de consentement aux prêts litigieux ni d’un vice de consentement susceptible de conduire à l’annulation des prêts ; les demandes d’annulation des actes de prêts pour dol ainsi que les demandes fondées sur la violation des dispositions du code de la consommation seront donc rejetées ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les époux E… ne peuvent arguer qu’ils n’auraient jamais contracté avec leur contradicteur alors que sont produites, signées de leur main, une fiche de renseignement, l’acte d’acceptation de l’offre de prêt, l’acte d’adhésion au contrat d’assurance groupe et une autorisation de prélèvement au bénéfice de la société demanderesse ; qu’ils ne caractérisent aucune manoeuvre à leur endroit, se contentant d’exciper d’une complicité avec la société Apollonia alors que le CIFD bénéficie du statut de témoin assisté dans le cadre de l’instruction judicaire invoquée ; que par ailleurs il est constant qu’ils se sont acquittés des échéances de remboursement des prêts litigieux pendant plusieurs années ; qu’en conclusion incontournable, les prêts existent, ont été débloqués et ont permis l’acquisition d’immeubles, propriété actuelle des défendeurs, ce qui ne peut que motiver l’obligation de remboursement de ceux-ci ; qu’enfin il est produit des documents aux termes desquels les défendeurs reconnaissent avoir réceptionné les offres querellées les 25 novembre 2005, 29 novembre 2005 et 10 février 2006 et les avoir acceptées les 12 décembre 2005 et 212 février 2006, ce dont il ressort que la violation alléguée des articles L. 312-7 et suivants du code de la consommation n’est pas établie, tout comme l’existence d’abus de blanc-seing ;

1°) ALORS QU’en s’abstenant de répondre aux conclusions d’appel des époux E… qui faisaient valoir que le CIFD, avait, faute d’avoir exercé un contrôle interne lors de la procédure d’octroi des prêts, permis à son mandataire, la société Apollonia, de commettre les manoeuvres dolosives qui les avaient déterminés à souscrire les prêts, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS Qu’à supposer adoptée la motivation des premiers juges, en estimant que les époux E… ne caractériseraient aucune manoeuvre à leur endroit de la part du CIFD, lequel bénéficiait du statut de témoin assisté dans le cadre de l’instruction pénale sans répondre aux conclusions d’appel de M. et Mme E… qui faisaient valoir que plusieurs dirigeants et cadres du CIFD (anciennement CIFFRA) étaient mis en examen pour complicité d’escroquerie en banque organisée, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.


ECLI:FR:CCASS:2020:C100013

Décision attaquée : Cour d’appel de Nîmes , du 29 juin 2017

Source : Legifrance