Analyse de Jurisprudence Bancassurance

Mots clés

Crédits aux particuliers  – crédit immobilier  – loi de validation  – tableau d’amortissement

L’essentiel

L’application rétroactive d’une loi de validation à un litige ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable dès lors que l’instance a été introduite après l’adoption de cette loi.

Auteur

Bénédicte Bury, avocate associée au Barreau de Paris, Avocap 2.2, ancien membre du Conseil national des barreaux

Analyse

L’analyse complète de cette jurisprudence est parue dans la Gazette du Droit bancaire N°07 du 19 février 2019 : Loi de validation : quelle portée ?

 


La décision (texte intégral)

Cass. 1re civ., 14 nov. 2018, no 17-14317

ECLI:FR:CCASS:2018:C101057, Mme X c/ CRCAM Val-de-France, PB (rejet pourvoi c/ CA Paris, 5 janv. 2016), Mme Batut, prés. ; SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, av.

Références

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 14 novembre 2018
N° de pourvoi: 17-14317
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat(s)


Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 janvier 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 septembre 2014, pourvoi n° 13-19.094), et les productions, que, le 16 septembre 1989, Mme X… (l’emprunteur) a accepté une offre de prêt immobilier émise par la caisse de Crédit agricole de la Beauce et du Perche, devenue la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val-de-France (la banque) ;

qu’à la suite de la défaillance de l’emprunteur, la banque lui a délivré, le 2 février 1999, un commandement de payer valant saisie immobilière, puis l’a assigné devant le juge de l’exécution ;

qu’après l’adjudication du bien saisi, l’emprunteur a contesté le montant de la collocation de la banque ;

Attendu que l’emprunteur fait grief à l’arrêt de fixer cette collocation à une certaine somme, après avoir rejeté sa demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, alors, selon le moyen, qu’encourt la déchéance du droit aux intérêts l’établissement de crédit qui a proposé une offre de prêt, acceptée par l’emprunteur avant l’entrée en vigueur de l’article 87-I de la loi du 12 avril 1996, qui ne comporte pas un tableau mentionnant, pour chaque échéance mensuelle, la part de l’amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts ;

qu’en considérant que l’offre de prêt émise en 1989 par la banque ne comportant pas le détail du capital remboursé et de l’intérêt payé pour chaque échéance de l’emprunt n’en demeurait pas moins régulière dès lors que cette offre de prêt indiquait le montant détaillé des échéances, leur périodicité, leur nombre, les modalités de leur variation, et contenait les informations nécessaires et suffisantes à l’information de l’emprunteur, la cour d’appel, qui a ainsi fait une application rétroactive de la loi du 12 avril 1996 qui n’était nullement justifiée par un impérieux motif d’intérêt général, a violé l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 5, 2°, de la loi du 13 juillet 1979, alors en vigueur ;

Mais attendu qu’une validation législative influant sur un litige futur dont les juridictions ne sont pas encore saisies à la date de l’adoption de la loi n’est pas susceptible d’être critiquée au regard de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il ressort des productions que l’instance a été introduite après l’entrée en vigueur de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 ; qu’il en résulte que l’application rétroactive de celle-ci au prêt litigieux n’a pu porter atteinte au droit à un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention ; que, par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme X…

Le moyen fait grief à l’arrêt d’avoir dit que la CRCAM Val de France sera colloquée pour le montant de sa créance fixé à la somme de 144.068,72 euros, dans la limite de la somme à distribuer, au titre de son inscription d’hypothèque conventionnelle.

AUX MOTIFS QUE

« Mme X… soutient que dans son jugement du 29 mai 2000, le juge de l’exécution a procédé à la vérification des créances pour l’ouverture de la procédure de surendettement et que cette décision n’a autorité de chose jugée que relativement à cette procédure et pas dans la procédure de distribution du prix d’adjudication ;

qu’elle prétend que le montant de la créance de la banque n’est pas déterminable, qu’elle n’a pas reçu les fonds prêtés dans leur intégralité le 20 juin 1990, mais le 4 décembre 1990 et que la CRCAM Val de France ne pouvait solliciter le paiement de la 1ère échéance du prêt le 5 juillet 1990 portant sur la totalité du capital souscrit, soit 570.000 francs, antérieurement au déblocage de la totalité de la somme prêtée ;

qu’elle affirme aussi que le TEG de 11,36 % indiqué dans l’acte ne correspond pas au taux cumulé du taux d’intérêt et des assurances, ni à la réalité des prélèvements effectués, que la CRCAM Val de France a prélevé en plus des primes d’assurance qui ne figuraient pas au tableau d’amortissement, ni à l’offre préalable, que la surprime d’assurance et la garantie de 11.330 francs n’apparaissent pas dans le coût total du crédit et dans le TEG ;

qu’elle allègue encore que te tableau d’amortissement mentionnant le montant pour chaque échéance de la part de l’amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts n’a pas été annexé à l’offre préalable, de sorte que la CRCAM Val de France doit être déchue des intérêts ;

Qu’en réponse au moyen tiré de la prescription, elle indique que l’offre du 5 septembre 1989 est antérieure à l’adoption du code de la consommation, que l’article 31 de la loi du 13 juillet 1979 ne prévoyait aucune prescription pour la demande de déchéance des intérêts,

qu’en outre la prescription ne peut commencer à courir que du jour où elle a eu connaissance de l’erreur affectant le TEG dans le cadre de l’action en collocation ayant abouti au jugement du 22 février 2007 ;

Qu’elle estime que la CRCAM Val de France doit également être déchue des intérêts en application des articles 5 et 31 de la loi du 13 juillet 1979, repris par l’article L. 312-8 du code de la consommation, que l’offre n’est pas datée et que le délai de 10 jours ne peut être vérifié ;

qu’elle mentionne que les dispositions de la loi du 12 avril 1996 n’étaient pas applicables au prêt conclu le 25 juillet 1989 ;

Qu’elle demande enfin que la clause pénale prévue à l’article 111 du prêt soit réduite à l’euro ;

Considérant qu’en réponse, la CRCAM Val de France fait valoir, sur la détermination de la créance, que si la décision du Juge de l’exécution n’a pas autorité de chose jugée, les pièces produites à l’époque permettent de déterminer la créance ;

qu’elle conteste les dires de Mme X… selon lesquels elle aurait commencé à rembourser au mépris du différé de six mois, puisqu’il n’était pas prévu un différé total et que l’échéance pouvait correspondre aux intérêts dus sur les sommes débloquées ;

qu’elle rappelle que le prêt devait être débloqué au fur et à mesure de l’avancement des travaux, que le déblocage de la première tranche est intervenu le 20 décembre 1989, que le 2ème déblocage a eu lieu en mars 1990 et le 3ème le 20 juin 1990 ;

Que sur le TEG soit disant erroné, elle invoque l’irrecevabilité de Mme X… à contester la régularité du TEG ;

qu’elle mentionne que l’action en déchéance des intérêts est soumise à la prescription décennale de l’article L. 110-4 du code de commerce, que Mme X… n’a invoqué ce moyen qu’en 2008, alors qu’elle avait dès l’origine l’ensemble du détail du coût total des postes du prêt, les intérêts, les assurances et les frais de garantie ;

Que sur le délai de rétractation, elle rétorque que dans l’acte notarié, Mme X… a reconnu avoir reçu le 5 septembre 1989 l’offre de prêt et l’avoir acceptée le 16 septembre 1989 ;

que s’agissant des mentions du prêt dans l’offre, elle affirme que la loi du 12 avril 1996 a tranché dans son article 87-1 la question du tableau d’amortissement en disant que les offres de prêt émises avant le 31 décembre 1994 sont réputées régulières au regard du 2° de l’article L. 312-8, dès lors qu’elles indiquent le montant des échéances de remboursement, leur périodicité, leur nombre ou la durée du prêt, ainsi que le cas échéant les modalités et leurs variations, que le prêt contenait les mentions exigées par la loi de 1996 et qu’en outre Mme X… a bien reçu un tableau d’amortissement ;

Considérant qu’il convient de rappeler que par arrêt du 20 mai 2010, la cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a fixé la collocation de la CRCAM Val de France à la somme de 153.661,33 euros, l’arrêt rendu le 19 juin 2008 entre les parties par la cour d’appel de Versailles ;

Considérant que la cour de cassation a, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, dit que la cour d’appel avait violé le texte susvisé, en statuant ainsi « sans répondre aux conclusions de Mme X… qui faisait valoir que le tableau d’amortissement mentionnant le montant pour chaque échéance de la part d’amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts n’avait pas été annexé à l’offre préalable de sorte que la CRCAM Val de France devait être déchue des intérêts » ;

Considérant que par arrêt du 10 septembre 2014, la cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 juin 2012 entre les parties par la cour d’appel de Versailles ; que la cour de cassation a dit qu’en statuant ainsi (en limitant l’examen des moyens invoqués par Mme X… au seul moyen du pourvoi, tiré de l’absence de ventilation dans le tableau d’amortissement du prêt entre le capital remboursé et les intérêts payés), « quand il lui appartenait d’examiner l’ensemble des moyens invoqués par Mme X… au soutien de sa contestation fixé par le chef de dispositif censuré, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;

Considérant que Mme X… soutient en premier lieu que le montant de la créance de la CRCAM Val de France n’est pas déterminable, qu’elle n’a pas reçu les fonds prêtés dans leur intégralité le 20 juin 1990 mais le 4 décembre 1990 et que la CRCAM Val de France ne pouvait solliciter le paiement de la 1 ** échéance le 5 juillet 1990 portant sur la totalité du capital souscrit, antérieurement au déblocage de la totalité de la somme prêtée ;

Considérant que dans son jugement du 29 mai 2000, le juge de l’exécution du tribunal d’instance de Pontoise a procédé à la vérification des créances dans le cadre de la procédure de surendettement de Mme X…, mais que cette décision n’a pas autorité de chose jugée hors du cadre de cette procédure ;

Considérant que le contrat de construction a été signé le 18 novembre 1989, qu’il s’agissait d’une vente en l’état futur d’achèvement et qu’il était prévu dans l’offre de prêt un différé de six mois avec des échéances d’un montant de 5.083 francs, inférieur au montant des échéances suivantes de 5.810,39 francs, ainsi que la réalisation du crédit « après acceptation des devis adressés par l’emprunteur aux entrepreneurs, au fur et à mesure de l’avancement des travaux et signature de l’acte authentique » ;

Considérant que Mme X… reconnaît que la CRCAM Val de France l’a avisée du déblocage de la première tranche le 20 décembre 1989, du déblocage de la deuxième tranche le 1er mars 1990 et du déblocage de la troisième tranche le 20 juin 1990 ;

Considérant que le contrat prévoyait que le remboursement du prêt commençait à la date de déblocage prévue pour la première tranche ; que Mme X… ne peut sérieusement prétendre qu’elle a commencé à rembourser au mépris du différé de six mois, puisqu’il n’était pas prévu un différé total des échéances, mais six échéances d’un montant inférieur aux suivantes, pendant cette période de différé ;

Considérant que Mme X… fait valoir aussi que les prélèvements sur la totalité du prêt ont débuté le 5 juillet 1990, alors que les travaux n’étant pas terminés à cette date et qu’elle aurait commencé à rembourser une somme qui ne lui avait pas encore été prêtée ;

Considérant que Mme X… a été informée par la CRCAM Val De France du déblocage de la troisième tranche du prêt le 20 juin 1990 et qu’elle ne peut se fonder sur la date d’achèvement des travaux pour contester la date de ce déblocage ;

Considérant que la facture de la société Maisons Bruno B… produite par Mme X…, établie à la date du 25 octobre 1990, mentionnant un solde de 18.950 francs, ne permet pas de démontrer que la troisième tranche du prêt n’a pas été débloquée par la CRCAM Val De France à la date du 20 juin 1990, dès lors qu’il est prévu à l’offre de prêt que les appels de fonds du constructeur sont payés sur acceptation des devis ; que le relevé bancaire mentionnant au 4 décembre 1990 un virement de 57,000 francs sur le compte de Mme X… ne constitue pas non plus un élément suffisamment probant, de nature à rapporter la preuve de l’absence de déblocage du solde du prêt à la date du 20 juin 1990 ;

Considérant que Mme X… ne justifie donc pas qu’elle a payé à tort les échéances prélevées à compter du 5 juillet 1990 et qu’elle est mal fondée à prétendre que la créance de la banque n’est pas déterminable pour ce motif ;

Considérant que les pièces déjà produites devant le juge de l’exécution par la CRCAM VAL DE FRANCE, notamment l’offre de prêt datée du 5 septembre 1989, l’acte notarié de prêt et le tableau d’amortissement, permettent de déterminer en son quantum la créance de la banque à cette date, sauf à tenir compte des versements intervenus postérieurement et non imputés sur la créance ; Considérant dans ces conditions que Mme X… doit être déboutée de sa demande de rejet des prétentions de la banque en raison du prétendu caractère non déterminé ou non déterminable du montant de la créance ;

Considérant que Mme X… soutient en second lieu que le TEG de 11,3 6 % indiqué dans l’acte ne correspond pas au taux cumulé du taux d’intérêt et des assurances ; qu’elle prétend que l’offre du 5 septembre 1989 est antérieure à l’adoption du code de la consommation et que l’article 31 de la loi du 13 juillet 1979 ne prévoyait aucune prescription pour la demande de déchéance des intérêts ;

Considérant cependant qu’aux termes de l’article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes » ;

Considérant que la demande de déchéance des intérêts formulée par Mme X… à l’encontre de l’établissement prêteur est dès lors soumise au délai de prescription décennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce ;

Considérant que Mme X… prétend n’avoir eu connaissance de l’erreur affectant le TEG que dans le cadre de l’action en collocation ayant abouti au jugement du 22 mai 2007 ; Considérant qu’elle se prévaut de l’erreur résultant du fait que le TEG est de 11,36 %, en précisant dans ses écritures : « alors que le taux d’intérêt de 10,70 % cumulé à l’assurance ADI à 0,42 % et à l’assurance chômage à 0,30 % faisait un total de 11,42 % » ;

qu’elle invoque aussi des prélèvements de primes d’assurance qui ne figuraient pas à l’offre et des mensualités majorées de 193,80 francs d’assurance décès invalidité et de 142,50 euros d’assurance perte d’emploi ; qu’elle indique encore que la CRCAM VAL DE FRANCE mentionne une surprime d’assurance décès invalidité et une garantie de 11.330 francs qui n’apparaissent pas dans le coût du TEG ; Considérant que l’offre de prêt précise le montant et le taux actuariel de l’assurance décès invalidité, ainsi que le montant et le taux de l’assurance chômage facultative, et qu’il est clairement établi que le coût de cette assurance chômage n’est pas inclus dans le TEG ;

qu’il est également stipulé que « en cas de risque médical aggravé, le taux de l’assurance indiqué ci-dessus sera majoré d’une surprime de : … F. (…) À ces coût s’ajoutent celui de la garantie évaluée approximativement en fonction des tarifs actuellement en vigueur de F 11 330 » ;

Considérant que l’offre du 5 septembre 1989 permettait de constater l’erreur de calcul du TEG alléguée par Mme X…, ainsi que l’absence de prise en compte dans ce calcul du coût de l’assurance chômage facultative et de la garantie ; Considérant dans ces conditions que Mme X… a connu ou aurait dû connaître les erreurs invoquées affectant le TEG lors de la signature de cette offre de prêt et que la prescription court en l’espèce à compter du jour de cette offre ;

Considérant en conséquence que sa demande de déchéance des intérêts en raison du TEG erroné, formulée dans ses conclusions du 12 février 2008, est prescrite et dès lors irrecevable ;

Considérant que Mme X… sollicite également la déchéance des intérêts aux motifs que l’offre de prêt n’est pas datée, que le délai de réflexion de dix jours ne peut être vérifié, que le tableau d’amortissement n’était pas annexé à l’offre ou à l’acte notarié et ne correspondait pas aux termes de l’offre ;

Considérant que le récépissé de l’offre de prêt est signé et daté et que dans le bordereau d’acceptation signé le 16 septembre 1989, Mme X… a déclaré accepter l’offre remise le 5 septembre 1989 ; qu’en outre l’acte notarié rappelle qu’en application de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1989, le prêteur a remis une offre de prêt que l’emprunteur reconnaît avoir reçu le 5 septembre 1989 et que l’emprunteur reconnaît expressément avoir accepté l’offre de prêt à la date du 16 septembre 1989, soit plus de 10 jours après sa réception ;

Considérant que Mme X… est donc mal fondée à contester la date de l’offre de prêt et le respect du délai de réflexion ;

Considérant que s’agissant du grief concernant le tableau d’amortissement, Mme X… soutient que le tableau d’amortissement mentionnant le montant pour chaque échéance de la part de l’amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts n’a pas été annexé à l’offre préalable ;

qu’elle estime que l’application rétroactive de la loi du 12 avril 1996 méconnaît l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme et l’article 5-2° de la loi du 13 juillet 1979, alors en vigueur ;

Considérant qu’il est constant que le tableau d’amortissement n’a pas été annexé à l’offre préalable ;

Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1979, relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, il est prévu que l’offre : « (…) Précise la nature, l’objet, les modalités du prêt, notamment celles relatives aux dates et conclusions de mise à disposition des fonds ainsi qu’à l’échéancier des amortissements » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 87-1 de la loi du 12 avril 1996, « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les offres de prêts mentionnées à l’article L. 312-7 du Code de la consommation et émises avant le 31 décembre 1994 sont réputées régulières au regard des dispositions relatives à l’échéancier des amortissements prévues par le 2° de l’article L. 312-8 du même code, dès lors qu’elles ont indiqué le montant des échéances de remboursement du prêt, leur périodicité, leur nombre ou la durée du prêt, ainsi que, le cas échéant, les modalités de leurs variations » ;

Considérant que cet article 87-1 de la loi du 12 avril 1996 vient essentiellement préciser qu’elles sont les modalités relatives à l’échéancier des amortissements qui doivent être mentionnées dans l’offre ; que Mme X… ne démontre pas que l’application de cette disposition aux offres de prêt antérieures au 31 décembre 1994 est en l’espèce contraire à l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme ;

Considérant que l’offre de prêt acceptée le 16 septembre 1989 et annexée à l’acte notarié du 20 décembre 1989, comporte les mentions exigées par la loi du 12 avril 1996, à savoir le montant des échéances de remboursement du prêt (6 de 5.083 francs en période de différé, puis 234 de 5.810,39 francs), leur périodicité (mensuelle), leur nombre ou la durée du prêt (6 + 234 échéances et durée de 20 ans), les modalités de leurs variations (6 échéances de différé et 234 d’amortissement) ;

Considérant en conséquence que l’offre de prêt est régulière au sens des dispositions précitées, qui n’exigeaient pas la remise d’un tableau d’amortissement annexé à l’offre préalable, de sorte que Mme X… doit être déboutée de sa demande de déchéance des intérêts de ce chef ;

Considérant que Mme X… allègue encore que la CRCAM VAL DE FRANCE a appliqué un taux de découvert bancaire de 19,05 % à la place du taux d’intérêt du prêt qui était en cas de retard de 13 % ;

Considérant que Mme X… fait manifestement une confusion entre le taux des agios appliqués sur le compte courant en cas de découvert et le taux d’intérêt contractuel du prêt de 10,70 % ; qu’elle ne peut en l’espèce critiquer le montant de ces agios, qui est sans lien avec la créance de la CRCAM VAL DE FRANCE au titre du prêt, pour contester le montant de cette créance ;

Considérant qu’il ressort des décomptes de créance versés aux débats que la CRCAM VAL DE FRANCE ne réclame que les intérêts au taux conventionnel de 10,70 % sur le solde restant dû au titre du prêt ; Considérant que Mme X… n’oppose pas d’autres moyens pour contester le montant réclamé par la CRCAM VAL DE FRANCE en principal et intérêts ;

Considérant que la CRCAM VAL DE FRANCE a prononcé la déchéance du terme du prêt par lettre du 16 novembre 1995 et qu’à cette date le capital exigible était de 77.371,21 euros ; qu’après déduction des acomptes acquittés par Mme X… entre le 16 avril 1998 et le 14 décembre 2000 pour leur part en capital, soit 1.233,77 euros, le principal restant dû était de 76.136,44 euros ;

Considérant qu’au titre des intérêts, la CRCAM VAL DE FRANCE est en droit de réclamer les intérêts échus dont la loi conserve le rang sur les trois dernières années avant la publication du jugement d’adjudication, au taux de 10,70 % du 12 novembre 1998 au 12 novembre 2001 pour un montant de 24.439,80 euros, ainsi que les intérêts échus sans limitation de durée, de la date d’effet à la date du paiement au taux de 10,70 %, pour un montant de 43.032,48 euros arrêté au 20 mars 2006, soit au total la somme de 67.472,28 euros ;

Considérant que Mme X… sollicite encore la réduction de l’indemnité contractuelle de 7 % à 1 euro ;

Considérant que la CRCAM VAL DE FRANCE ne conteste pas que cette indemnité contractuelle constitue une clause pénale, au sens de l’article 1152 du Code civil, susceptible de modération ; Considérant que cette indemnité de 10.052,61 euros apparaît en l’espèce manifestement excessive au regard du taux d’intérêt contractuel appliqué et du préjudice effectivement subi par la CRCAM VAL DE FRANCE ; qu’elle sera réduite à la somme de 1.000 euros ;

Considérant que la créance de la CRCAM VAL DE FRANCE doit dès lors être fixée à la somme totale de 144.608,72 euros et que la collocation doit être admise pour ce montant ;

Considérant en conséquence qu’il convient de dire que la CRCAM VAL DE FRANCE sera colloquée pour le montant de sa créance fixé à la somme de 144.608,72 euros, dans la limite de la somme à distribuer, au titre de son inscription d’hypothèque conventionnelle ; qu’en conséquence le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant que Mme X… ne démontre pas que la CRCAM VAL DE FRANCE a agi de manière abusive en procédant à des mesures d’exécution pour obtenir le recouvrement de sa créance ; qu’elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; Considérant que les dépens de l’instance devant le Tribunal de Grande Instance de Pontoise seront employés en frais privilégiés de distribution et que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que Mme X…, qui succombe pour l’essentiel, supportera les dépens afférents au présent arrêt de renvoi et qu’elle doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

Considérant que l’équité n’impose pas, en l’espèce, de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la CRCAM VAL DE FRANCE » ;

ALORS QU’encourt la déchéance du droit aux intérêts, l’établissement de crédit qui a proposé une offre de prêt, acceptée par l’emprunteur avant l’entrée en vigueur de l’article 87-I de la loi du 12 avril 1996, qui ne comporte pas un tableau mentionnant pour chaque échéance mensuelle, la part de l’amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts ;

qu’en considérant que l’offre de prêt émise en 1989 par la CRCAM ne comportant pas le détail du capital remboursé et de l’intérêt payé pour chaque échéance de l’emprunt n’en demeurait pas moins régulière dès lors que cette offre de prêt indiquait le montant détaillé des échéances, leur périodicité, leur nombre, les modalités de leur variation et contenait les informations nécessaires et suffisantes à l’information de l’emprunteur, la cour d’appel, qui a ainsi fait une application rétroactive de la loi du 12 avril 1996 qui n’était nullement justifiée par un impérieux motif d’intérêt général, a violé l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 5 2° de la loi du 13 juillet 1979, alors en vigueur ;


ECLI:FR:CCASS:2018:C101057

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 5 janvier 2016

Texte applicable cité : Article 87-1 de la Loi n° 96-314 du 12 avril 1996

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les offres de prêts mentionnées à l’article L. 312-7 du code de la consommation et émises avant le 31 décembre 1994 sont réputées régulières au regard des dispositions relatives à l’échéancier des amortissements prévues par le 2° de l’article L. 312-8 du même code, dès lors qu’elles ont indiqué le montant des échéances de remboursement du prêt, leur périodicité, leur nombre ou la durée du prêt, ainsi que, le cas échéant, les modalités de leur variations.

Source : Legifrance