la banque de demain la banque bionique

Gazette du Palais, 8-10 novembre 2015 – Droit Bancaire

Banque de demainLe 11 octobre dernier, le cabinet de conseil en stratégie Athling Management a publié un livre collectif intitulé « La banque, reflet d’un monde train de naître » (*) qui réunit 120 textes émanant de personnalités extérieures au monde de la banque et d’horizons divers (scientifique, académique, économique, sportif, politique…) présentant leurs réflexions sur la banque de demain.

Comme le souligne par ailleurs avec justesse le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), les caractéristiques de la banque de demain dépendront beaucoup du rôle que les États laisseront aux banques traditionnelles et de leur volonté ou non d’encourager l’ouverture de ce marché à d’autres acteurs.

Il est piquant de relever que la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a été promulguée le 6 août 2015 alors que se poursuivent les annonces de suppressions d’emplois touchant le secteur bancaire, ce qui n’est pas sans inquiéter le ministre du Travail.

Notre numéro de la Gazette du Palais reprend, dans sa partie « Actualité », les dispositions spécifiques de cette loi touchant l’activité bancaire.

Vous y  relèverez notamment le choix politique d’ouvrir le monopole bancaire au crédit interentreprises et de faciliter la mobilité bancaire. En effet, pour faciliter le changement de banque, le service de mobilité bancaire sera automatisé et rendu gratuit à partir de février 2017.

Les entreprises pourront par ailleurs proposer à d’autres entreprises des financements différents de ceux actuellement connus et développés, tels les crédits dits « fournisseurs » (délais de paiement ou avances de trésorerie), à l’exclusion de certains types de crédits comme l’affacturage. La justification tient à la circonstance espérée que les entreprises pourront, dans certaines conditions, assumer les financements qui ne sont pas aujourd’hui assurés par les banques, répondant ainsi à la pénurie de crédit.

Ces conditions, à préciser par les textes d’application, devront cependant être pensées afin de prévenir un accroissement du risque de dépendance économique des PME.

Le régime des prêts octroyés par certaines associations et fondations est également assoupli pour permettre le financement, à titre gratuit, auprès de personnes physiques mais aussi de personnes morales.

Cet assouplissement du régime du crédit interentreprises permettra un rapprochement de la réglementation française avec celle en vigueur dans un certain nombre de pays européens.

Est-il paradoxal que ces mesures soient adoptées alors que, dans le même temps l’Europe développe un encadrement contraignant et coûteux de l’activité des établissements bancaires et que les obligations pesant sur ces derniers s’alourdissent, atrophiant la liberté contractuelle, chahutant le droit discrétionnaire du banquier, l’obligeant à se soumettre à l’intérêt commun et général ?

La banque est-elle toujours entre Charybde et Scylla, les deux monstres marins personnifiant le détroit de Messine, entre l’Italie et la Sicile, et incarnant deux dangers : un tourbillon (Charybde) et un récif (Scylla) ? Souvenons du conseil donné par pour le passage du détroit : « Choisi plutôt Scylla, passe sous son écueil, longe au plus près et file !»

La banque doit trouver sa voie, attentive notamment à une relation changeante et mobile. Nul doute que la loi Macron conduira à une nouvelle façon d’évaluer les risques du crédit aux entreprises, moins centrée sur les critères financiers et plus attentive aux critères relatifs à l’activité économique.

Les consommateurs, pour leur part, ainsi qu’il ressort de la cinquième étude Relations banques-clients (*) publiée le 17 septembre 2015 par le cabinet Deloitte, sont en attente d’un conseil à forte valeur ajoutée technique et « hyper personnalisée », en apparente contradiction avec une certaine dilution de l’intuitu personae induite par la digitalisation ou le scoring.

La voie attendue doit être recherchée dans un mélange subtil de banque digitale et humaine, sorte de bionic bank, ainsi nommé par le Boston Consulting Group (*).

Bénédicte Bury

(*) Références